25 juin 2009

La coquille et le hangar






Texte de: Bernard H. RONGIER


C’est une maison de poupée, une coquille à deux places. Nous nous blottissons, nous nous pelotonnons, nous nous replions, nous nous recroquevillons. Là où ça ne fait pas mal il n’y a pas d’amour : il n’y a que du bonheur. Le bonheur est la forme assoupie de l’amour : il barbote dans un bocal, il s’épanouit dans le chloroforme. Je est aboli. Nous est unique, nous est singulier. A d’autres le soin de démêler le réfléchi du réciproque. Dans cette conque fossilisée nous défions aussi bien les lois de la grammaire que celles de la mathématique : 1 + 1 = 1. Contre l’épouvantail de l’altérité, la fusion est pantouflarde.

C’est un territoire, c’est un hangar au bord de l’Hudson, ouvert à tous les vents, c’est la scène du théâtre nordique. Vivre ensemble, malgré tout nous essayons cela, cette chose contre-nature. Nous nous heurtons, nous nous coudoyons, nous nous percutons, nous nous entrechoquons. D’où fêlures, contusions, ecchymoses, meurtrissures. Il y a toi. Il y a moi. Ce n’est pas la même chose. L’amour est à vif, il ne peut se prévaloir d’aucune protection.

C’est insoluble, cette histoire.

Peut-être n’avons-nous jamais le choix qu’entre la léthargie et la discordance.