23 août 2010

Patrie

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Tu demeures donc ma patrie
Même s’ils annihilèrent la patrie en toi


Lance tes youyous car il n’est que le temps d’un cillement et les détails du premier exode me quittent. Et puis à travers mes prairies intestines, tantôt tu t’éclipseras, tantôt je boirai, en ton absence, les chagrins de mon second exil après le millième hégire. Je brandirai toute ma figure alors face à ce Rhône, pour que nous vivions, toi, Sabou et moi. Tu n’as donc qu’à pousser tes youyous…

Chante, Dame des mondes, car je te proclame ma patrie

Sur mon visage la sphère se roule, erre
Chaussant le vent
Je poursuis ce que j’appelai : Rêve
N’est-ce pas toi le Rêve ?

Quand je tente de le saisir, il se faufile, me fuyant
Voici que la patrie désirée, ma mie, se mue en ombre !

Je fonce alors dans l’errance comme tu fonces dans l’absence
Et l’enfant en moi se réveille et te hèle :

" Tarde donc un instant ! Patience !"

Tu ne tardes point, hélas !
« Du calme, dis-je alors à mon enfant, devant la porte de la patience il n’y a pas de ruée »
« Sors de moi, vieillard, répond-il. Prends ton corps arqué. Moi je ne me plierai guère. Sache que ton Moi est un gouffre qui m’étouffe. »

Quand le vieillard se mit hors de moi
L’enfant s’écria :
« Amers sont tes yeux, ami »
« Persévérons donc ! » répondis-je

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17 août 2010

كلُّ الهَم

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كُلُّ هَمٍّ شَجَ‍رة
كُلُّ شجَرةٍ جُرحٌ
كلُّ جرحٍ قَصيدَة
كُلّ قَصيدةٍ بُرْكَان
كلّ بُركَانٍ امْتِحان
كُل امتِحانٍ بَدْء
كل بدْءٍ حَدَث

لَمّا كانَ الحدَث
كانَتْ فِيَّ كيْنونَتُك
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Je t'ai dans la peau

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Déchiffre dans mes yeux ton image
Vois-tu ?
Les couleurs délaissent mon visage
Tous mes reliefs prennent ta teinte
Le sommeil cède aux longues veilles

Comment ne pas répondre quand la nuit m’interroge :

Quelle saveur ont-elles, tes insomnies ?
*
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12 août 2010

Errant... Errance...

*
J’implore ton pardon
Ô langue effarouchée !
Ce sont là mes souffles mixtes
Que j’éparpille entre tes seins


Rien de plus
Rien .


Des mots, des images, des voix, des visages s’abattent en mon sein et s’agitent. Je m’exclus et baigne dans la sueur, dans la douleur. Je vibre et tremble. Le vertige me gagne. Le tourbillon me hisse dans le firmament des galères, des geôles tortionnaires. Les déserts où j’erre m’annihilent si savamment que je ressuscite et me multiplie… AAAAh ! je sors, j’entre dans l’éveil : l’exil intérieur règne toujours ! Non ; ne me quitte pas un instant…


E

N

T

R

E


Entre en moi


Peuple-moi
Moi le corps pluriel
Entre
Car ma tête est mise à prix
Entre
Car tu es le songe tant désiré


Entre car il m’est un rêve
Quand à mes voisines je le contai
Les pucelles parmi elles chantèrent, lancèrent des youyous
Attendre est exil, leur confiai-je
Voici la Méditerranée qui brandit ses geôles à ma face

Ô toi ! dirent-elles, dépense ta peine entre les saignements de l’encre et le sourire du verbe

Dépense sans te dissiper
Persévère sans te dépenser
Vas-y ! Avance !
Va … Avance…Avan… van… van…


Cette langue arabe
me ceint de ses tresses noires
Plus grands que ma voix
Sont ses alphabets

Quoi d’étonnant si ma peine ne s’apaise guère ?

Je suis le miroir qui reflète ton visage de captive
Voici ! Vois !


Moi le vagabond errant
Je ne lâche point prise.
*

AIMER

*
*
Je te réinvente
Sans prélude.
Je t’entame par ordre alphabétique
Sans préavis.


Je t’incruste dans la plus profonde de mes strates intérieures
Je verrouille mon dedans
Et glisse la clef sous la porte de ton cœur


Vers d’autres confins
je pars à ta recherche
chaussant le vent
chevauchant le désir.


Rêves, ombres,
envie, pénombres,
délires,
me tiennent compagnie.


Voici que soudain un ange sans ailes,
zélé,
au cœur de silex,
me bannit.


Est-ce toi ou l’autre en toi ?
Est-ce ton avers ou ton revers ?


Peut-être l’ai-je un jour aimé
Peut-être l’ai-je aussitôt oublié
Peut-être…


Tout
Peut
Être.
*
*