21 mai 2012

الموتُ في الدار البيضاء






(قصة حب طويلة)



البيان رقم 3



نبذتُها مُكرَهاً.

عن غير قصد غادرْتُها.

الآن، ذات عودة وبعد طول غياب، أجد نفسي أَعبُر هذا الشارع الممتد كحَيَّة تسعى على جانب المحيط، شارع يبدأ مساره من حيّ "عين السبع" وما قبْلَه ثم يتعرج هنا وهناك ويأخذ وجهته الطويلة نحو منطقة "عين الذئاب" وما بعدها.

الآن، أجد نفسي في هذا المكان المنفتح في جزء منه على البحر ليشبه بذلك خليجا في حجم مصغر، تتفتق ذاكرتي عن صورة تلي

6 mai 2012

L’élégance des naufragés / Théâtre


BERNARD H. RONGIER

Break a vase, and the love that reassembles the
fragments is stronger than that love which took its
symmetry for granted when it was whole.
Derek Walcott, The Nobel lecture

Il y a un homme (H) et une femme (F). La quarantaine, probablement. Peut-être moins.
Il y a un lieu inhabitable, et cependant habité. Propre et ordonné, autant
qu’il est possible.
Le reste – tout le reste – est laissé à l’appréciation du lecteur ou du metteur en scène.

1
F. Hétéroclite, c’est marqué.
H. Sans blague.
F. Regarde, là.
H. Je vois.
F. Je l’ai souligné.
H. T’as bien fait. Depuis quand tu lis le journal ?
F. Juste un petit peu.
H. Je savais pas que tu lisais le journal.
F. Juste un peu. Tu les trouves où ?
H. Un peu partout. Les gens les jettent le lendemain.
F. Mais pas ceux-là ?
H. Pas ceux-là, non, pas les magazines.
F. Ils les gardent plus longtemps.
H. Y’a aussi un type qui m’en donne. Un garagiste. Ce magazine, c’est lui qui me l’a donné.
F. Je le connais pas.
H. Tu peux pas le connaître, il a son garage sur le chemin de la déchèterie. On est jamais allé de ce côté.
F. Y cherche pas quelqu’un ?
H. Quelqu’un ?
F. Pour travailler avec lui.
H. Je crois pas. Il me l’aurait dit.
F. C’est quoi, hétéroclite ?
H. Hétéroclite, c’est – comme ici, par exemple.
F. Ici ?
H. Toutes ces choses qui vont pas ensemble.
F. Quelles choses ?
H. Tout ça. Le canapé, les chaises. Le poisson rouge.
F. Ça va pas ensemble ?
H. Pas vraiment.
F. Moi je pense que ça va ensemble. C’est des choses qu’on trouve chez tout le monde.
H. Pas comme ça.
F. Comment alors ?
H. Les chaises par exemple.
F. Quoi les chaises ?
H. Chez les gens, elles sont toutes pareilles.
F. Elles ont pas besoin d’être pareilles.
H. Non mais les gens, ils aiment mieux quand elles sont pareilles.
F. Le poisson rouge, il va pas avec le canapé ?
H. Le poisson je sais pas, mais les choses non. Je veux dire : chez les
gens, ça va mieux ensemble. Le calendrier, par exemple.
F. Y va pas avec quoi ?
H. Chez les gens, c’est pas le calendrier de l’année dernière.
F. Parce qu’il est de l’année dernière, ça l’empêche d’aller avec le canapé ?
H. Ça l’empêche d’aller avec maintenant.
F. Comment ça ?
H. Je sais pas moi. C’est comme si on vivait pas maintenant.
F. Mais on vit maintenant.
H. Oui.
F. On vit maintenant.
H. Chez les gens, c’est pas pareil.
F. Le calendrier, c’est moi qui l’ai trouvé.
H. Oui.
F. C’est quelqu’un qui l’avait jeté, je sais pas pourquoi.
H. Parce qu’on avait changé d’année.
F. C’est pas une raison.
H. C’est la meilleure raison. Quand on change d’année, on change de calendrier.
F. La photo, c’est quoi déjà ?
H. Le pont d’Avignon.
F. Le pont d’Avignon, il a pas changé ?
H. Changé ?
F. Depuis l’année dernière.
H. Je crois pas.
F. Alors on devrait pas le jeter.
H. C’est un point de vue. Au fond t’as peut-être raison.
F. T’avais dit qu’on irait le voir.
H. Je le dis toujours.
F. Quand on ira ?
H. Quand j’aurai du travail. Dès que j’aurai du travail. Avec mon premier salaire, à la fin du mois.
F. Il s’arrête au milieu de la rivière.
H. Du fleuve.
F. On peut pas le traverser.
H. Non.
F. Pourquoi y’a des ponts qu’on peut pas traverser ?
H. Je sais pas. C’est juste celui-là.
F. Pourquoi lui on peut pas le traverser ?
H. Je sais pas.
F. L’histoire, tu me l’as racontée.
H. Oui. Mais maintenant je l’ai oubliée.
F. On peut aller dessus. On peut marcher jusqu’au milieu.
H. Oui.
F. On ira ?
H. On ira. On marchera jusqu’au milieu.
F. Et nous, on est hétéroclites ?
H. Nous ?
F. Toi et moi.
H. Bien sûr que non.
F. Si on était hétéroclites tu le dirais.
H. Bien sûr je le dirais.
F. Pourquoi on a pas d’enfants ?
Il tient sa tête dans ses mains.