22 déc. 2009

Vient de paraître: TEXTES de Bernard H. RONGIER

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Quelques extraits:





Horresco referens, je soupçonne une hécatombe. Cet édredon de bienveillante sollicitude que vous avez glissé entre nous, cet eider protecteur, cette cuirasse de plumes, ce bardage duveteux, dites, combien de palmipèdes vous a-t-il fallu exterminer pour m’endouilletter de la sorte ? Et à quel irrémissible péché ces aimables bestioles doivent-elles une aussi odieuse immolation ? Voudriez-vous que je m’endorme paisiblement quand c’est à un génocide que je dois ma tranquillité ? Au reste, m’avez-vous jamais entendu réclamer la tranquillité ? Que de précautions. Que de ménagements. Vous m’aimez, c’est une chose entendue. Et depuis quand épargne-t-on ceux qu’on aime ? Epargnez plutôt les canards : arrêtez le massacre pendant qu’il est temps. Quant à moi, mon épiderme n’est pas aussi délicat que vous le pensez : il résistera à quelques effleurements. Le cœur aussi, croyez-moi, je le sens qui incline vers une agitation bien tempérée. Peut-être même, si on venait à le pousser dans ses retranchements, ne serait-il pas hostile à une manière de chambardement. Allons, faites un effort, et accordez-moi cette faveur : dérangez-moi.

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Oraison funèbre sur le mode binaire

Il était lâche comme un homme, prêt à mourir pour une virgule. Esclave mi-consentant de la Raison, n’ignorant cependant aucune des incohérences de ce qui vit, aucune des contradictions de ce qui respire, aucun des revirements de ce qui dure, aucune des métamorphoses de ce qui bouge. Sincère jusqu’à l’infirmité, apologiste inspiré des beaux mensonges. Féroce de trop de blessures reçues, et tendre à la dérobée, d’une tendresse presque constamment inaperçue. Capable, indifféremment, de faire sur le ton de l’excès l’éloge de la modération, sur le ton de la modération l’éloge de l’excès. Ayant reçu grande part d’amour et grande part d’incompréhension. Mélancolique ébloui, tantôt ardent à se consumer, tantôt jeté aux lisières de l’aboulie. Désenchanté chronique toujours dans l’attente fiévreuse du lendemain. Entêté comme un escargot, et devant l’obstacle de nature à se dégonfler comme un cheval velléitaire. Hissant à la face du monde l’étendard de l’indépendance et à ceux qu’il aimait d’inoxydable amour enchaîné, pieds et poings. Résistant de la première heure, rebelle, réfractaire, puis un beau matin adhérant par colossal effort et en retirant colossale satisfaction. Sachant dire non mieux que personne, et tout à trac émerveillé d’avoir dit oui. Enclin à chanter sur tous les tons les vertus de l’ataraxie romaine, mais, imprécateur résigné, condamné à l’indignation perpétuelle. Rivé à la glèbe, pataugeant dans la boue, mais secret adorateur de nuages, ne voulant croire à aucun salut en dehors de l’imaginaire. Imposteur comme un intellectuel, irrécupérable d’intégrité. Observateur souvent distrait des choses humaines, trop clairvoyant pour ne pas sentir à chaque instant le couteau vrillé dans la plaie.

Vous qui l’avez connu, à votre façon vous l’avez aimé. Il l’a su – un peu.
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Une mort et plusieurs vies

Tu as changé, disait-il immanquablement. Son affabilité naturelle masquait à peine un soupçon de reproche. Changer, c’était une forme de légèreté : nul doute qu’il y entrât de la désinvolture. Dans d’autres cas, plus fâcheux, cela tenait de la falsification, du travestissement. Au pire, c’était manquer à ses fidélités les plus essentielles : trahir, peut-être.

Nos rencontres avaient toujours été espacées, elles se produisaient au rythme de deux par an. Non qu’il y eût le moindre calcul dans ce rapport au calendrier. Il y a des gens qu’on voit deux fois par an, un point c’est tout, une rencontre-bermuda, une rencontre-anorak. Tu as changé, disait-il en souriant, de son air uniformément affable. Moi, qui de loin en loin me suis perdu en route, me suis perdu de vue, moi l’homme aux multiples métamorphoses, je ne savais que répondre. Changé, demandai-je un jour, en bien ou en mal ? Ce n’était ni l’un ni l’autre : cet homme granitique ne prononçait pas de jugements, il s’étonnait sincèrement que l’on pût s’accorder au temps qui passe.

Il y a quelques années, je découvre à mon arrivée une photographie de moi posée sur la table : à l’évidence, je suis attendu. C’est un cliché en noir et blanc, que je ne reconnais pas. On y voit un jeune homme de dix-sept ans environ, j’ai chez moi d’autres photos de cette année-là, je crois, il faudra que je vérifie, mais celle-là je ne la reconnais pas. La pose accentue une maladresse que le jeune homme tente, sans grand succès, de transformer en une plus avantageuse mélancolie. Je note l’absence de sourire, les cheveux un peu trop longs, un peu trop raides. Aucune affectation cependant. Le jeune homme est assis à l’ombre d’un arbre, c’est une journée radieuse de printemps.

L’arbre, c’est le seul arbre avec lequel le jeune homme ait grandi, c’est un pommier, le pommier du jardin familial. Il est en fleurs. Qu’est-ce qu’il a l’air sérieux, dis-je, observant le jeune homme avec une authentique perplexité. Tu parles de toi à la troisième personne, dit-il. Je suis au bord de dire « je est un autre », en forme de plaisanterie, et puis je ne le dis pas, je me rends compte qu’il est absolument stupéfait. Il a l’air mélancolique, dis-je, ignorant sournoisement la remarque grammaticale. Mais c’est toi sur la photo, dit-il, c’est le jour où ton frère est rentré du service militaire. C’était moi, dis-je, cette photo est un instantané, de cet instant je ne peux parler qu’au passé, quand je dis c’est moi c’est d’aujourd’hui que je parle. Tu as changé, dit-il avec un sourire affable, tu as changé mais c’est toujours toi.

Un autre jour il s’étonne de ma mémoire défaillante. Tu es submergé de diplômes et tu ne te souviens de rien. Je fais une remarque sur la mémoire dite événementielle, celle qui n’a rien à voir avec les études, ça ne vient pas du même endroit du cerveau, me semble-t-il avoir entendu dire, à moins que je ne confonde avec autre chose, pour ce qui est des événements il est vrai que je ne me souviens de rien, les dates n’en parlons pas, j’ai toujours confondu les années, encore quelque temps et je vais confondre les décennies. Tu ne te souviens même pas de toi, dit-il. Je ne me souviens pas de celui que j’ai été, dis-je. De ceux que tu as été, corrige-t-il, et sur ce pluriel nous tombons d’accord instantanément. Par bonheur, dis-je, il se trouve toujours quelqu’un alentour qui prend un malin plaisir à me rappeler ma biographie.

Ma biographie, il a commencé à l’écrire il y a un peu moins d’un an. Il venait d’apprendre qu’il était atteint d’un cancer. L’exercice, je le sais, l’a amusé. Mais au-delà du divertissement, je pense qu’il a formé sincèrement le dessein de m’instruire sur ceux que j’avais été et que j’avais oubliés, qu’il avait connus et qu’il n’avait pas oubliés. Sans doute a-t-il espéré me convaincre qu’il existe une pérennité de l’être humain, que jusqu’au bout on est ce qu’on a été, qu’on est la somme de ceux qu’on a été. Pour une raison que je ne parviens guère à démêler, il semble que cette profonde conviction, telle une bouée de sauvetage, lui ait été absolument nécessaire.

Sur un cahier d’écolier, il a écrit mon nom, et au-dessous l’année de ma naissance, suivie d’un tiret, comme si celle de ma mort dût y être ajoutée un jour. Au moment où j’écris ces lignes, j’ai devant moi soixante dix-neuf pages d’une écriture serrée, très régulière, une écriture qu’on pourrait dire à l’ancienne. Très peu de ratures. Il y est question d’un personnage attachant qui m’est presque constamment étranger, et en quelques rares occasions péniblement familier. Un personnage qui ne m’apparaît jamais que dans une très grande fragmentation, dans lequel je cherche en vain une continuité. Si l’on peut parler d’une écriture affable, alors c’est celle de ce cahier : le biographe a poussé l’authenticité jusqu’à écrire comme il parlait.

Il s’est éteint hier soir, trois jours seulement après m’avoir remis cet objet, le cahier. Il n’avait pas changé.

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Zarathoustra est un con

A trente ans j’ai quitté la compagnie des hommes,
j’ai quitté mon lac, les habitants des rives du lac, les ablettes du lac et les cygnes du lac,
sac au dos, d’un pas alerte et décidé je me suis dirigé vers la montagne,
instruit des vertus spirituelles de l’altitude j’ai entrepris de gravir la montagne, ample foulée de jeune homme comme vous l’imaginez,
abandonnant derrière moi et pour longtemps, pensais-je, abandonnant par-dessus le marché la pollution du lac, des ablettes du lac et de toutes choses lacustres,
la Bible, oui, naturellement je l’avais lue, lue et relue, toutes ces célébrissimes histoires d’ascensions, de gravissements, d’épiphanies et de théophanies, tout ce patrimoine montagnard, cette mythologie des sommets, les Tables de la Loi, le Sermon sur la Montagne, Abraham et Isaac, j’en passe et des plus gratinées,
rien d’intéressant jamais n’arrive dans les plaines, vous n’êtes pas sans l’avoir remarqué, non, même dans les plaines avec lacs rien jamais ne se passe qui mérite ne serait-ce qu’une note en bas de page,
(Tibériade vous voulez rire)
gravissant me voilà donc, plus haut, toujours plus haut, il y a des moments où l’on se demande si telle n’est pas en fin de compte la seule et unique devise des hommes,
oui, ces mêmes hommes qui par une sorte de fatalité grimaçante se retrouvent en fin de compte presque systématiquement toujours plus bas,
superbement ignorant, je reviens à moi, de la raréfaction de l’air des cimes, phénomène pourtant notoire comme je devais l’apprendre par la suite, trop tard, on apprend toujours tout trop tard, jamais en temps voulu,
mon éducation il faut croire qu’elle avait été plus religieuse que scientifique, et voilà le résultat, un des résultats, il y en aura un autre mais je ne veux pas anticiper,
car cette histoire, mon histoire, n’est rien d’autre en fin de compte qu’une histoire d’oxygène et de manque d’oxygène, une histoire d’anoxie pour être précis, ce terme scientifique lui au moins j’ai fini par le garder en mémoire,
une histoire de crétinisation progressive et programmée, de dégénérescence du cerveau par anoxie, dix ans d’anoxie par moi-même à moi-même imposée et cependant par moi constamment insoupçonnée et inconstatée,
avec pour toute société un rapace falconiforme et un reptile peu loquace comme vous l’imaginez,
à la recherche de la sagesse, ce qu’on appelle la sagesse et qui n’est rien d’autre qu’une arrogance crasse, rien d’autre qu’une camisole de certitudes absolument dégoûtantes et répugnantes, qu’un abêtissement inexorable par extinction de la fonction dubitative,
au bout de dix ans ma propre sagesse m’a moi-même absolument dégoûté et répugné,
le premier fou shakespearien venu vous démontrerait que la sagesse est folie, le premier aborigène venu se fendrait littéralement la poire à l’idée d’une sagesse acquise en dehors de la société des hommes, comme si l’on pouvait acquérir quoi que ce soit en dehors de la société des hommes,
et c’est alors que m’adressant au soleil, faute d’interlocuteur comme vous l’imaginez, au bout de ces dix ans de méditation solitaire et d’arrogance crasse, je me suis comparé à lui de la façon la plus incorrigiblement bornée qui soit, j’ai sollicité sa bénédiction, et après avoir somme toute battu ma coulpe en confessant le dégoût susmentionné, le naturel n’a pas tardé à reprendre le dessus, comme il n’était que trop prévisible,
et c’est alors que je me suis distinctement entendu exprimer, de la façon la plus indécrottablement balourde qui soit, mon désir de retourner vers les hommes, de redevenir homme, dans toute la force anémique de ma montagnarde et néanmoins prématurément délabrée quarantaine désormais,
que n’étais-je resté parmi eux, les hommes, pour commencer,
de retourner vers eux disais-je, afin soi-disant de donner et de distribuer, telle est l’expression que j’ai cru devoir utiliser dans mon arrogante stupidité,
le premier paysan du Danube venu en aurait conclu que, bernique, je n’aurais rien de plus pressé que d’aller en fin de compte déverser sur eux, les hommes, la coupe débordante de ma sagesse mortifère et de les contaminer par mon arrogance crasse et mes certitudes crasses,
je suis celui qui sait, voilà que celui qui sait est descendu parmi vous, descendu de sa montagne d’arrogance crasse et de certitudes crasses, afin de déverser sa coupe sur vous et de vous contaminer, oui, jusqu’au dernier,
depuis lors plus d’un siècle s’est écoulé, rétrospectivement ça fait quand même un drôle d’effet tout ça, je me demande ce que vous en pensez, vous qui vivez aujourd’hui, vous qui lisez, qui pensez aujourd’hui, qui avez érigé le doute en philosophie, si ça se trouve,
moi ce que je crois c’est que j’ai tout raté,
en définitive et pour à la fin des fins dire les choses comme elles sont, je crois bien être parvenu à cette conclusion désolante entre toutes :
je suis un con.
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Pour en savoir plus:

Outre différentes librairies, voir:

* Editions Beaudelaire

* Chapitre.com

* Amazon

* FNAC

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19 déc. 2009

في حضرة النشر والنشور






لم أكن الأول ولا الأخير، لكنها تجربة لا تنسى، يحس فيها المرء أنه يصارع لوحده موجا عاتيا لم يكن ينتظره. إنها حماقة خوض تجربة النشر، الأولى بالخصوص، بمعنى أن تصبح كمبدع في متناول الجميع، في حضرة الكل، في حوزة الآخر حيثما كان، هذا الآخر الذي لا تعرفه شخصيا ولكنك تلاقيه ويلاقيك عبر مؤلَّفك المنشور.



خضت هذه التجربة في أواخر التسعينيات حيث جمعت نصوصا نثرية سبق أن نُشرت لي في الثمانينيات و بداية التسعينيات في جرائد ومجلات مختلفة وجعلت منها مجموعة قصصية حفزتني على نشرها رغبة شخصية تشبه تلك الرغبة في البقاء إضافة إلى تشجيع وإيعاز من الأصدقاء والمقربين.



صحيح أن هناك محظوظين لم يعانوا قسوة التجربة التي سأتحدث عنها وذلك بفضل مؤسسات حزبية أو غيرها ساندتهم وآزرتهم، وفي كثير من الأحيان جعلت منهم - في تلك السنوات بالذات حيث لم يكن هناك وجود لمنابر للنشر إلا المنابر الحزبية - كتابا و شعراء و... غير ذلك، وفرضتهم على الجميع، وتلك معضلة أخرى وموضوع آخر لست بصددهما الآن.



شيء مؤلم حقّاً أن يتحول الكاتب إلى تاجر "يستجدي" في نهاية المطاف أصحاب الأكشاك والدكاكين والمكتبات أن يؤدوا له حقه من كتابه الذي باعوه، بعد الاتفاق حول نصيب كل واحد، وبعد البيع أخذوا يتماطلون في تسديد ما عليهم من دين. ويزداد الأمر تعقيدا وإثارة للأعصاب حينما يتعلق بـ "كْتاتْبي" مثلي يعيش في بلاد المهجر!



ها تلخيص ما حصل:



التجربة الأولى خضتها سنة 1998. أصدرت حينها مجموعتي القصصية "أصوات في الجسد" في إطار ما يسمى بالنشر الذاتي (Auto édition)، وذلك تجنباً لأن "أحاشيه" لبعض دور النشر (رغم قلتها آنذاك) والتي كانت تابعة إما لمؤسسات حزبية أو لشلة من المثقفين (يعتبرون أنفسهم تقدميين في الغالب) وفي كلتا الحالتين كان على المتطلع لنشر مؤلَّفه أن يكون إما متحزبا مخلصا (متملقا ومقدِّسا لحزبه) أو ذا اسم لامع في الميدان لكي يُباع ويجلب الربح بالنسبة لدور النشر "المستقلة".



فضلتُ إذاً أن أقوم بإنتاج العمل بنفسي على مستوى التمويل، أما فيما يخص التوزيع، وتفاديا للدوران على أصحاب الدكاكين والأكشاك و... دققت باب مؤسستين مشهورتين في مجال توزيع الكتاب والمطبوعات. غير أنني وُجهت بلطف إلى "دار الآفاق الجديدة" بشارع الزرقطوني بالدار البيضاء حيث استقبلني، وبمعيتي الفنان المسرحي سعيد لهليل، مديرُها اللبناني الأستاذ "زهير بعلبكي" بحفاوته المصطنعة ووقعنا العقد على أساس أن أزوره بعد ستة أشهر من أجل المحاسبة على حد تعبيره. صحيح أنه قام بتوزيع النسخ توزيعا جيدا حسب لائحة "نقط البيع" التي وصلتني منه، ولكنني لمّا عدت بعد سنة (بحكم أنني أعيش خارج المغرب) للقائه رفقة صديقي الشاعر محمد الصابر، وكان في جعبتي مشروع كتابة "طموح" كنت أزمع القيام به بعد تناول حقوقي، وجدته قد "سد الحانوت" واختفى عن الأنظار بذريعة "الإفلاس"!



إنه أكبر شعور بالمهانة والظلم حينما تجد نفسك في مثل هذه الحالات وحدك رغم مؤازرة صديقيَّ الشاعرين اللذين أعبر لهما هنا عن امتناني وهما توفيقي بلعيد ومحمد الصابر الذي أشار إلى ما حدث لي في مقال له نشره في يومية "الإتحاد الإشتراكي" آنذاك.



لا أريد أن أصف للقارئ هنا مدى المعاناة والإحساس بالغبن والحقارة الذين عشتهما، فهذا أمر من السهل تكهنه. إنها لحظة أبدية تلعن فيها كل شيء بما في ذلك الكتابة نفسها.



المؤسف أيضا أنك حين تقرر النشر اعتماداً على المجهود الذاتي، فعلى مستوى الدعاية أو الكتابة حول مؤلَّفك لا يمكن أن تعول إلا على نفسك!



ومن المحزن أيضا أننا في المغرب لا زلنا نتبنى مبدأ "أكتب عليا نكتب عليك" وقلما أن يتعامل الناقد أو "الصحفي الثقافي" أن يتناول بالتعريف أو النقد غير أعمال المعارف أو المقربين والمتملقين و... (زيد من عندك، راك ولد البلاد وعارف بالأمور وهذا موضوع آخر).



عدت إذا إلى فرنسا بلدي الثاني، ومن هناك، وبعد انطفاء الأجيج، قررت أن أراسل بعض المسؤولين على شؤون الكتاب والثقافة ببلدنا الجميل المغرب. كنت أود ـ كأي ساذج ـ أن لا يتكرر ما حصل لي. كنت أود أن يعير هؤلاء المسؤولون (خصوصا وأنهم مثقفون تقدميون!) اهتماما ما لهذه الظاهرة والتصدي لها من مواقعهم التي وصلوا إليها بفضل مسيرة معروفة ليس هنا مجال الخوض فيها، وكم كانوا يستطيعون لو أرادوا!.



وأنا أسلك هذا السبيل لم يكن في نيتي بتاتا أن أعيد الاعتبار لنفسي أو أن أطلب أي تعويض شخصي ولكن لكي أثير الانتباه لظاهرة معاناة الشعراء والكتاب والمبدعين عموما مع دور النشر والموزعين وغيرهم من "الشلاهبية" إضافة إلى محنة أولئك الذين يخوضون مغامرة النشر على حسابهم الشخصي. وهكذا راسلت في شأن ما حصل لـ "أصوات في الجسد"، عن طريق البريد المضمون انطلاقاً من فرنسا، كلا من الشاعرين الاتحاديين الأخ نجمي حسن رئيس اتحاد كتاب المغرب والسيد وزير الثقافة محمد الأشعري آنذاك. الجميل والمضحك مرارةً في الأمر أن هؤلاء "أولاد الشعب" لم يكلفا نفسيهما حتى "عناء" الإجابة عن مراسلتي! (وأترك للقارئ استخلاص ما يريد).



وأنا أختم هذه الشهادة تحضرني إحدى المكالمات الهاتفية التي جرت بيني وبين المرحوم محمد زفزاف الذي كان قد حصل على نسخة من "أصوات في الجسد" والذي ترجمتُ له للفرنسية روايته "الثعلب الذي يظهر ويختفي" (لا أدري حتى الآن مصير النص المترجم بعد وفاته وتلك تجربة/قصة أخرى) حيث أكد لي حينها (أياما قبل رحيله إلى باريس من أجل العلاج) أنه عاش نفس التجربة مع نفس الموزع الذي يتقن "منهاج" الإفلاس ليفتح محلا آخر باسم آخر يعاود فيه نفس الشيء على حساب المصطلين بحر الكلمة.



كانت هذه الشهادة محفزا كبيرا آخر لي على الاتصال بالأخوين المناضلين المذكورين اللذين أصابهما الصمم فجأة.



سنة 2000 تمخضت ذاتي عن مجموعة شعرية نثرية باللغتين العربية والفرنسية، أعطيتها عنوان « Souffles Mixtes » اطلعت عليها إحدى الصديقات المثقفات هنا بفرنسا، فأبت على نفسها إلا أن تخرجها للوجود وألحت كأي "محسنة – mécène " أن تتكلف بمصاريف الطبع على أن أقوم بعملية التوزيع في المغرب وهذا ما أذعنتُ له.



كانت هذه تجربتي الثانية رغم أنفي حيث قمت بتوزيع مئات النسخ في كبريات المدن بالمغرب مقابل "توصيل" (ريسيبو) ثم قامت صديقتي بتوزيع الباقي في بعض مدن فرنسا بطريقتها الخاصة.



في فرنسا "حقوقي" وصلتني حتى البيت، أما حقوقي في أرض الوطن فقد مزَّقتُ "التواصيل/الريسيبوات" واعتبرت ذلك هبة مني ومن المحسنة صديقتي الفرنسية للقارئ وأصحاب الدكاكين والأكشاك والمكتبات حتى أتفادى صداع الرأس وأؤجل بذلك مرض السكري وضغط الدم.



يبقى أن الغريب في الأمر أخيراً أنني حتى الآن أرى مجموعتيَّ « Souffles Mixtes » و "أصوات في الجسد" معروضتين للبيع عبر الشبكة العنكبوتية دون أن أكون وراء ذلك ودون أن أوافق على ذلك ودون أن أفهم كيف حصل ذلك!



وا سيرأنشر أنت آسي واكتب.



وبمناسبة الكتابة (رغم أنني لا أعتبر نفسي كاتبا أو شاعرا ولا هم يحزنون، لأن القارئ وحده له حق منح هذه الكليشيهات والتصنيفات) فهي لا تزال هناك، تواسيني وأشاطرها الآخرين مهما كانت الصعاب، لكن أن أعيد الكرتين مرة أخرى؟ أُوهُويْ! أُوهُو! أُوهُو! حتى يوم النشور.



Promis, juré, craché !



4 déc. 2009

Séparation









Elle se tourna vers lui, caressante, se tortillant dans le lit, tout à fait semblable à sa chatte paresseuse.
- Tu m’aimes, mon Prince Arabe ?
Il songea, encore une fois, à ce surnom qu’il lui avait tant déconseillé d’utiliser. Que de fois il l’avait priée de l’appeler de son vrai prénom, Abderrahman, sans lui attribuer aucun autre qualificatif.
Il sourit en pensant au fond de lui qu’elle était non seulement une véritable entêtée mais, aussi, de commerce difficile. Il pensa également à cette question qu’il n’entendait pas pour la première fois et qui ne serait peut-être pas la dernière. Son honnêteté, de même que ses sentiments, ne lui permettaient pas de répondre par l’affirmative, de lui donner la réponse qu’elle espérait et qu’elle tenait à lui arracher quelque soit le prix.
« Mentir à une femme ne me ressemble pas. C’est là faiblesse et manque de personnalité… », se disait-il, non sans orgueil et fierté.
Après tout, dès le début de cette liaison qu’il considérait comme éphémère, malgré son ancienneté de quelques années, il était suffisamment clair et franc avec elle. Mais elle ne se découragea pas et continua à répéter la même question chaque fois que l’occasion le lui permettait.
- Ne me fuis pas. Est-ce que tu m’aimes, Abdou ?
Il s'écarta d’elle en douceur et, avec sa subtilité habituelle, tenta de changer de sujet. Elle le retint subitement par le bras et le tira si violemment qu’il se retrouva allongé à côté d’elle comme auparavant.
Abdou s’étonna de cette brutalité inopinée. Il réfléchit brièvement avant de tenter une réponse en bégayant.
- Je ne sais pas encore, Madeleine. Je…. J’éprouve pour toi beaucoup de… de tendresse, de respect et de…
Elle eut le visage tout rouge. De ses yeux regorgeant de déception et de colère des flèches s’étaient lancées le transperçant. Ses lèvres frémissaient avec une nervosité inhabituelle alors qu’elles tentaient de prononcer quelque chose.
- HEIN !, vociféra-t-elle après tant d’efforts et d’hésitations. Tu me respectes ? Ah, que c’est beau ça ! Qu’est-ce qu’il est étrange ce respect ! Tu me respectes et tu me baises ? Hein ! Réponds-moi ! C’est quoi ce respect à la con ? Sois courageux et avoue que tu es encore attaché à cette pute qui t’a quitté et laissé comme un chien…. Tu l’aimes, elle, et tu me baises, moi ! Non, monsieur Abdou, non… Je refuse cette situation. J’en ai assez. Marre. Marre de toi aussi. Je ne veux plus te voir. Allez ! Sors de chez moi et ne reviens plus jamais. Va voir ta pute….
Il essaya de calmer son effervescence mais cela ne fit qu’attiser son émotion et sa colère. Il se sentit pris de panique. A un certain moment, il craignit qu’elle n’eût l’idée de lui porter atteinte physiquement, en laissant, par exemple, sa main traîner machinalement et prendre un couteau ou tout autre objet et le poignarder inconsciemment, comme cela arrive souvent dans les films et les crimes passionnels.
Il fut pris d’une véritable panique. Il enfila n’importe comment ses vêtements et claqua la porte derrière lui. Alors qu’il descendait les escaliers à la hâte la voix de Madeleine le poursuivait. C’était une voix hystérique qu’il ne lui avait jamais connue auparavant.
Il était autour de minuit, la voiture traversait les rues en bolide. Il ne cessait d’appuyer sur l’accélérateur comme s’il était poursuivi. Les feux rouges ne l’empêchaient guère de s’arrêter. Il pensait à Madeleine. Madeleine la douce qui, ayant été un ange blond et affable, s’était muée en Méduse, une Méduse violente, folle et… Et il revit ses yeux qui crachaient des flammes. Ils étaient devenus subitement des braises rouges après avoir été bleus, semblable à un beau lac au printemps. Quelques instants auparavant ces mêmes yeux le transperçaient avec dédain et fureur. Ils foudroyaient la stature du Prince Arabe, le réduisaient en un simple gueux, un être digne de mépris. Ils le réduisaient à néant.
Des voitures firent raisonner leurs klaxons. Abdou comprit qu’ils le concernaient. Il ralentit alors et tenta de retrouver son calme habituel, vira à gauche et engagea le véhicule le long de la rue Garibaldi. Au bout de quelques minutes il s’arrêta, éteignit les feux, coupa le moteur en un mouvement éclair et courut vers l’immeuble où se trouvait son appartement, renonçant à prendre l’ascenseur, préférant escalader les escaliers jusqu’au cinquième étage. Haletant, il se dirigea directement vers la salle de bains, ouvrit le robinet et livra toute sa tête au jet d’eau froide. Se sentant apaisé, il épongea son visage, essuya ses cheveux et les peigna. C’est alors qu’un spectre attira soudain son attention dans le miroir couvert de brume. Il y fixa ses regards, se retrouva en face de lui-même.
- Bravo !, reprocha son « double ». Tu dois être fier de toi maintenant, espèce de lâche !
Abdou fit un geste de dégoût et d’agacement en fuyant du regard son interlocuteur. Il tenta de se retirer de là, mais celui-ci le stoppa net, non sans provocation.
- Arrête de me harceler s’il te plaît. Je ne suis pas un lâche. C’est son comportement étrange, à elle, qui m’a surpris. Voilà tout.
- Pourquoi tu ne lui as donc pas dit toute la vérité ?
- Je ferai ça la prochaine fois.
L’autre visage, dans le miroir, moqueur, rit aux éclats.
- Non. Non, mon ami. Il n’y aura pas de prochaine fois. Moi non plus je ne te crois plus. Que de fois tu m’as promis d’être toi-même, c’est à dire d’être moi. Mais tu continues à tergiverser. Tu dois savoir que…
- Je ne veux rien savoir, l’interrompit Abdou. Dis-moi, toi, que faire et fous-moi la paix. Je suis fatigué et j’ai envie de dormir. C’est tout ce que je veux maintenant.
- Décidément, je t’ai donné plus de liberté que tu ne le mérites. Tu me demandes que faire ? Viens. Viens vers moi pour que je t’explique les choses. Entre, entre…

Avec l'intention de ne se réveiller qu’à midi, Abdou prit la boîte de somnifères et avala deux cachets en même temps. Quelques instants plus tard il sombra dans un profond sommeil.
Cette nuit-là, ni songe ni cauchemar ne lui rendirent visite. Cependant, à un certain moment, il sentit un bourdonnement agaçant qui martelait ses oreilles. Il remua dans son lit, tenta vainement d’ignorer ce qui lui arrivait. Les signes de l’éveil l’envahissaient malgré lui. Il se frotta les yeux et fixa l’horloge murale. Les bourdonnements se succédaient et, lentement, il réalisa qu’il s’agissait de la sonnette de son appartement.
Il se ramassa tant bien que mal et, trébuchant, se dirigea vers la porte où il entendit une voix féminine qui suppliait.
- Abdou, chéri. C’est Madeleine. Ouvre s’il te plaît. Je sais que tu es là…
Hésitant il ouvrit la porte, surpris par la présence de cette femme dont le nom ne lui signifiait rien. Il se retrouva en face d’une femme de taille moyenne, blonde, élégante, abordant la quarantaine. Il la fixa et s’arrêta sur ses yeux bleus, semblables à un lac en plein printemps. Elle était belle malgré la pâleur et les signes de fatigue qui montraient qu’elle venait de passer une très mauvaise nuit.
- Pardonne-moi, Prince Arabe, s’empressa-t-elle d’une voix implorante. J’avais perdu mes nerfs hier soir. Je t’aime. Tu le sais ça ? Laisse-moi entrer.
Abdou était en proie à l’embarras et aux interrogations. Il se crut dans un rêve, mais la voix suppliante le rendit à la réalité.
- Je suis désolé, Madame, balbutia-t-il, en une tentative de dissiper l’équivoque. Je ne sais pas qui vous êtes. Vous vous êtes trompée d’adresse et…
- Abdou, hurla-t-elle. Ne joue pas ce sale jeu avec moi s’il te plaît. Je t’ai mal traité, d’accord, mais voilà que je viens m’excuser. Tu veux quoi de plus ?
Dans ses bras elle tenait sa chatte noire, somnolente, la cajolant avec douceur et tendresse comme s’il s’agissait d’un bébé fraîchement né. La chatte paresseuse émettait des miaulements de plaisir, demandant ainsi davantage de soins.
- Regarde Mimi, Abdou. Elle aussi te demande pardon. Laisse-nous entrer.
Abdou poussa un ouf et essaya d’être plus clair.
- Madame, je ne vous connais pas, et je ne connais pas Mimi. Et puis, je m’appelle Abderrahman, et pas Abdou !
Elle le transperça de regards. Surprise. Indignée.
Il y eut un moment de silence, avant qu’elle ne lui demandât, comme victorieuse, prenant l’attitude de celui qui avait tendu un piège à son adversaire imbattable.
- Bien, dit-elle avec un sourire narquois, dessiné sur ses lèvres sèches. D’accord, si tu n’es pas Abdou, il est où donc ?
- Là… là-bas, répondit-il, comme s’il transmettait un message évident. Dans la salle de bains. Le miroir l’a englouti.
- Tu es devenu fou ? Quel miroir ?
Il essaya de fermer la porte, mais elle l’en empêcha en criant et protestant :
- Abdouuuu ! On dirait que tu as pris une saloperie de drogue cette nuit, ou bien tu as lu un de ces livres qui te bousillent le cerveau ! Combien de fois je te l’ai déconseillé. Arrête de te conduire comme un âne et laisse-moi entrer.
- Madame, sachez que je n’ai aucun lien avec les livres et que plus sain que mon cerveau vous ne trouverez pas. Rassurez-vous. Au revoir.

Comme résigné devant son cas difficile, il l’inonda de regards froids, vides de tout sentiment.
Elle le fixa de ses yeux bleus et transperçants, plongea dans son visage endurci et glacial. Elle n’y trouva pas les traits de son Prince Arabe. Elle était en présence d’un autre homme…
Un torrent de réflexions coula dans sa tête alors qu’elle reculait, prise de frayeur…

La porte se referma. Et l’Emir Arabe plongea dans un profond sommeil.