7 juil. 2009

Mourir à Casablanca

Entre nous règne une sorte d’amour, vieux comme le temps, frais comme la rosée de l’aube. Un amour qui ne cesse de prendre de l’âge sans cesser de rajeunir. Un amour, je dois le reconnaître, semblable, par dessus tout, à une relation sadomasochiste multidimensionnelle.
Entre nous, c’est ce que, du moins, nous imaginons, elle et moi, il y a cette union inoxydable où se mêlent, en même temps, une tendresse inébranlable et une agressivité mutuelle intentionnelle. Une agressivité factice et feinte certes, mais douloureuse et profonde aussi.
Notre relation est faite de rencontres et de départs, d’attractions et d’auto isolement, de passion et de lassitude. Elle est guerre et paix, conflits et apaisements, espérance et désespoir.
Pourtant, malgré tout ce qui nous arrive, rien ne change. Ensemble nous sommes, et ensemble nous demeurons. Il nous arrive parfois d’avoir des désaccords, mais nous ne nous séparons guère. Nous nous éloignons l’un de l’autre, mais, quand l’un d’entre nous le désire, nous nous retrouvons sans délai.
Je suis conscient aussi que Casablanca m’éprouve un ressentiment étrange dont j’ignore ou presque la raison. Parallèlement, en retour, je lui dédie une rancune légitime, quelques courroux et des reproches justifiées, sans, toutefois, transgresser, de la sorte, les règles non déclarées qui régissent notre union.
L’histoire de notre relation est objet de controverses. Une histoire qui, elle-même, de par le passé, le présent et même le futur, justifie ce que j’avance et prétends. Elle justifie cet amour qui en reste un, malgré tout. Cet amour où nous nous pratiquons au gré de mon humeur et selon le tempérament de ma ville aimée.
Cette relation pleine de contradictions s’étend dans une dimension temporelle qui, lorsque ma bien-aimée Casablanca le veut bien et quand je le désire, moi, prend une forme aux reliefs démesurés. Surtout au moment où nous nous retrouvons, après une longue ou une brève séparation.
Pour que la rencontre soit, la capitale économique de ce Maroc cruel tambourine dans ma tête et claironne, m’incitant, d’une voix implorante, exhalant l’amour et la tendresse, à la rejoindre au plus vite.
Quand je suis loin d’elle, hors de sa portée, elle remue ciel et terre et, comme sous l’emprise d’une lubie enfantine, elle me supplie de revenir sans tarder, hurlant que je lui manque et qu’elle n’en peut plus de cette vie qui ne ressemble à rien. Pendant ce temps-là elle ne cesse de gémir et me dire toute la douleur que lui inflige la séparation et de me faire entendre les affres du désir qui la consument en mon absence. Alors, à quatre pattes, haletant sans être essoufflé, je pars à sa rencontre, avec l’envie ravageante de l’étreindre, de me fondre en elle.
Au début elle m’accueille bras ouverts, me prend dans son giron, m’invite dans ses boîtes nocturnes et ses tavernes diurnes, m’offrant mille pots et calices. Parfois elle me tend son sein gauche et m’allaite de son lait qui a la saveur de ma bière préférée, made in Morocco. Je tète alors son suc jusqu’à l’ivresse, avant de voyager dans les détails de son corps qui sent l’odeur du Maroc profond. J’entre en elle pendant des nuits blanches qui s’éternisent. Je la hante. Profondément. Jusqu’à… la devenir... Nous devenons un.
Mais voilà que, une fois la joie du retour et la fête terminées, elle ne tarde pas à m’endolorir tout en se délectant, semblable ainsi à une vieille épouse qui aime à se venger. Aveuglement. Comme si je l’avais trompée ou lui avais fait un quelconque tort à mon insu !
S’annonce donc l’heure de la retrouvaille. Nous nous enlaçons pendant des jours et des nuits. Et nous nous fondons l’un dans l’autre jusqu’à ne devenir qu’un. L’incandescence de la rencontre est à son paroxysme au départ. Jour après jour elle prend un rythme plus apaisé, et, petit à petit, la vie devient de plus en plus monotone, semblable au quotidien d’un vieux couple en proie à l’ennui. C’est alors que Casablanca sort sadiquement ses griffes au rouge nacré et se met à me faire mal avec son amour igné, ses soupçons infondés, ses doutes que rien ne justifie et ses caprices foisonnants et insensés.
C’est une chose quand nous sommes ensemble, et c’en est une autre quand des milliers de kilomètres s’étendent entre nous et nous éloignent. Ces conditions de vie, justement, qui dépassent notre volonté, la mienne en tout cas, il me semble que Casablanca ne les a pas suffisamment digérées. Ainsi s’est-elle imaginé, toute seule, qu’un jour de ce début des années quatre-vingt du siècle écoulé, je m’étais extirpé volontairement d’elle, en cachette, au milieu de la nuit, l’abandonnant, pour me retrouver dans les bras de la ville blonde, Lyon, l’autre aimée, qui m’offrit l’hospitalité et m’accorda l’exil.
Peut-être a-t-elle le sentiment d’une délaissée que, après m’avoir tant aimé, j’ai reniée et rejetée comme une vieille épave. C’est la raison pour laquelle elle ne cesse maintenant d’osciller entre m’aimer et me haïr.
Peut-être.
Peut-être a-t-elle raison, ma bien-aimée.
Cependant, en ce qui me concerne au moins, je n’ai pas le moindre souvenir de l’avoir trahie ou délaissée. L’histoire, à mon sens, est tout autre, et un jour l’aimée comprendra.

Cette ville, amante, amie et mère, ne m’a pas mis au monde, mais elle m’a volontairement adopté, voici des lustres.
Notre première rencontre « physique » remonte aux premières années de l’enfant que j’étais, non loin d’elle, à quelque trentaine de kilomètres, sur la route d’al-Jadida.........................................


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.........à suivre







3 commentaires:

منعرجات أيامي a dit…

فعلا إنك شاعر الأخ مصطفى،تحياتي إليك ومسيرة موفقة إنشاء الله


mustapha meditel bernoussi

عبد الرحمان الوفاقي a dit…

لغتك ، أيها الأديب الكريم ، رقراقة وذات عُذوبة وانسياب، وما هي إلا انعكاس لصدق مشاعرك وأفكارك ، وبُعـدك عن الادعـاء والتنميق... بوركت يدك، ومزيداً من التألـق يا أستاذ مصطفى عبّـا

Anonyme a dit…

تسحرني انسيابية السرد في كتابتك ، ونعومة كلماتك والناتجة بلا شك عن صدق مشاعر التعبير عندك ..وأقصد بالذات الإبداعات باللغة العربية .مزيدا من التألق وبالتوفيــق...
..(أبو إيمان المزابي)