17 mai 2009

L'Homme qui passe

(à mon ami qui n’est plus : Louis Joux)


Le crépuscule.
Le soleil timide et paresseux ramasse ses rais qui sèment le froid plutôt que la chaleur et s’engouffre dans l’horizon lointain.
Le jour s’en va et la nuit revient.
L’errance quotidienne me mène vers ce vaste jardin public, le “Parc de la Tête d’Or”, au cœur de Lyon, où fourmille une promiscuité d’êtres humains multidimensionnels, multicolores, qui commencent à se disperser, chacun mettant le cap vers sa demeure.
Sur un banc isolé, une scène interpelle mes yeux et paralyse mes jambes. Je m’approche après un bref effort et me retrouve en face d’un monsieur âgé qui s’agite nonchalamment. Noyé dans l’océan des rides, dos arqué sous le poids des années écoulées, immergé dans le temps passé trop vite, le vieillard aux bras frêles et languissants, un outil métallique à la main, martèle, incessamment, avec tant d’atonie, son crâne au teint d’or, parsemé de quelques derniers poils grisonnants.
Je m’approche davantage et lui propose mon aide. Ses yeux humides bordés de paupières frémissantes m’accueillent. Des yeux qui regorgent de rêves. Des lèvres flétries affichent un sourire reconnaissant, rassurant, qui tente en même temps de braver les rides qui l’emprisonnent.
- Ça gèle là-dedans, jeune homme, me dit-il en désignant sa tête avec son index incurvé et tremblant. C’est plein de glace, de brume et de solitude. J’essaie donc de percer ce crâne afin que le soleil puisse l’investir et réchauffer ainsi mon dedans. J’ai encore envie de vivre, mon ami, vous savez ?… Oh, rassurez-vous ! Ce n’est pas du tout ce que vous pensez, gentil jeune homme, je ne suis pas un aliéné. Allez ! Partez maintenant ! Laissez-moi tranquille !
Confus, face à son entêtement, je cesse d’insister. Je cesse de l’importuner.
A pas lents je continue mon errance, suivi d’un “ à bientôt, l’ami !” que m’apporte la voix du vieillard. Une voix enrouée mais pleine d’espoir, de persévérance et d’entêtement.

Maintes fois je fis de ce parc ma destination. Mais, à chaque passage, il n’y avait aucune trace de l’homme que je cherchais et qui m’habitait toujours. Je ne pouvais concevoir son devenir probable et peut-être inéluctable, vu l’état dans lequel je l’avais laissé. Petit à petit, à mon insu, il quitta ma mémoire. Pour de bon.

Voici des lustres que cela est arrivé.
Les choses de la vie me firent oublier complètement cette histoire. Jusqu’au jour où mes pérégrinations, encore une fois, guidèrent mes pas en direction du “Parc de la Tête d’Or”. Je m’étais abandonné, là, tranquillement affalé sur un banc isolé, à l’écart des promeneurs qui sillonnaient les parages. Je rêvais de ce qui ne regardait que moi. Enfin, je m’évertuais à rêver, car le soleil était moribond ce jour-là, le temps me pesait et les souvenirs m’assaillaient de leur poids impitoyable. Je tentais de tendre des traquenards à l’ataraxie qui se faisait rare, de capturer quelques rais égarés de lumière, d’en doper ce corps. Ce corps qui, avec l’âge, était devenu mon fidèle ennemi. En réalité je désirais renaître et me renouveler.
"Soleil de mes nuits blanches, protestais-je, que te faudrait-il pour annihiler l’éclipse dans mon espace intérieur ?
Soleil chimère.
Soleil insaisissable.
Chaleur glaciale que je ne peux plus souffrir.
Que te faudrait-il pour bannir ma solitude et extraire cette vieillesse de mon corps ? "
C’est alors que je le vis. Là. Dressé comme par enchantement. A proximité. En face de moi. Svelte et gracile. C’était lui et pas lui. Il avait ce même teint de bronze, d’homme méditerranéen, d’arabe, peut-être.
La jeunesse coulait dans ses veines et faisait fleurir son visage. Il se pencha vers moi et, d’un ton fraternellement tendre, me dit :
- Puis-je vous aider, monsieur ?
L’étonnement et l’émotion voilaient mes yeux d’un rideau humide. Non, je n’avais pas halluciné. Je n’avais pas rêvé. Il était considérablement rajeuni, tout refait à neuf ! C’était lui dans un autre corps ou presque. Comment avait-il pu faire ? Se souvenait-il de moi ?
Je n’osais rien lui demander.
- Viens avec moi, pépé, me dit-il. Viens qu’on appelle Bernard et Louis, nous irons ensuite boire un coup chez Arifa et manger une choucroute chez Tante Odette qui doit nous attendre. Viens donc. Il va pleuvoir d’un instant à l’autre.
- Ça gèle là-dedans, jeune homme, répondis-je, comme il insistait. C’est plein de glace, de brume et de solitude. J’essaie donc de percer ce crâne afin que le soleil puisse l’investir et réchauffer ainsi mon dedans. J’ai encore envie de vivre, mon ami, vous savez ?… Oh, rassurez-vous ! Ce n’est pas du tout ce que vous pensez, gentil jeune homme, je ne suis pas un aliéné. Allez ! Partez maintenant ! Laissez-moi tranquille !
Confus et déçu, il tourna les talons, après m’avoir jeté un regard chargé de reproches. Je le vis s’éloigner à pas lents. Très lents.
J’avais la certitude qu’il pensait à moi comme jamais personne ne l’avait fait.
- A bientôt, l’ami, criai-je autant que faire se peut, comme pour le consoler, comme pour me faire pardonner. Il se retourna vers moi, m’adressa un sourire aussi affable qu’amer tout en remuant plusieurs fois la tête en signe d’acquiescement.
- Oui, à bientôt, semblait-il me dire.

Voici des lustres que cela est arrivé. Les choses de la vie me firent oublier complètement cette histoire. Jusqu’au jour où l’errance, encore une fois, guida mes pas en direction du “Parc de la Tête d’Or”… Il s’était enfoui dans un coin du parc, sur un banc isolé, au milieu des feuilles mortes, bannies par un vent glacial d’automne. Il rêvait de ce qui ne regardait que lui, se martelait nonchalamment le crâne et ne cessa sa besogne que lorsque je me dressai en face de lui proposant mon aide…

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Vriament tbarkellah alike l'ami juste te dire que dake _Bousselham_ Ton ami de Tchat bassel mdrr a plus tard
set by SSL

Anonyme a dit…

Brabou abrabbou abraabouuu mdrrrr
mwaaaaaaaaaaaaaahh sattouufff c vraiment geniaale
crois moi pr moi tè kelk1 unik et spècial